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Pouvoir divorcer sans juge : une possibilité à saisir

Pouvoir divorcer sans juge : une possibilité à saisir

Publié le : 11/05/2016 11 mai mai 05 2016

L’amendement déposé par notre Ministre de la Justice en ce joli mois de mai 2016 prévoit de réformer le divorce par consentement mutuel en lui conférant une nature purement conventionnelle et non plus judiciaire.

Principalement, si l’amendement est adopté :

– la convention de divorce prendra la forme d’un « acte d’avocats », enregistré auprès d’un notaire qui ne sera pas chargé de le contrôler mais seulement de l’archiver et de lui donner date certaine et force exécutoire ;

– chaque partie devra être assistée de son propre avocat ;

– la case « allez au tribunal » disparaîtra du parcours du divorce amiable.

D’aucuns disent qu’il y a là une baisse de « l’ordre public de protection » dans un domaine « touchant l’état des personnes », que sans le juge les avocats perdront un moyen de pression essentiel pour équilibrer le rapport de force entre les époux et protéger les personnes fragiles (époux(ses) en situation précaire, enfants).

Autre modification notable : fini, terminé l’avocat commun pour les divorces. Chacun sa maison, chacun son conseil. L’idée serait de rendre d’une main ce que l’on a pris de l’autre : deux avocats sauraient mieux qu’un seul, sans juge, éviter que le plus fort l’emporte systématiquement.

Mes impressions sont partagées sur ce projet.

En premier lieu, je l’accepte. Je suis favorable à la dé-judiciarisation des divorces.

Il est temps de sortir du divorce « opprobre », où les parties se sentent moralement jugées et pensent qu’elles vont être punies. C’est la fin de l’ancien divorce Institution lourde.

Cette judiciarisation n’est plus voulue par les nouvelles générations qui comprennent mal que l’on doive passer devant un juge pour divorcer, contrairement aux ruptures de PACS ou de séparation de concubinage.

Personne n’a envie d’aller au Tribunal pour dire qu’il veut divorcer. Convoqués dans le bureau du JAF, les parties observent le cœur serré le Juge examiner d’un œil strict les conventions, et mettre parfois en cause le conseil de leur avocat s’ils désapprouvent les accords – sans pour autant connaître les mois de discussions ayant parfois précédé la convention. Cette démarche est souvent mal vécue par les parties.

« Ordre public de protection », « loi du plus fort », « état des personnes » ?

On ne va pas chez le juge pour se marier, vivre ensemble et partager les dépenses, acheter une maison, donner à ses enfants ou son conjoint, souscrire une assurance-vie, partager une succession, s’expatrier… Or là aussi il y a un ordre public de protection et des règles liées à l’état des personnes.

La persistance du divorce judiciaire signifierait que l’on continue de cadenasser les ruptures du mariage dans le carcan de l’Institution Publique, sous le contrôle d’une autorité supérieure, sur ce qui concerne aujourd’hui la vie privée et non plus l’ordre social ou les bonnes mœurs.

Le juge pouvant être saisi en cas de litige, la protection n’est pas amoindrie. Il suffit de ne pas être d’accord !



Comme on prend conseil avant de se marier, de transmettre, d’acquérir, on doit prendre conseil pour divorcer.

Il y a là une révolution du rôle de l’avocat.

Dans le divorce actuel, fût-il par consentement mutuel, l’avocat se voit d’abord comme défenseur. Preuve en est de la défiance à l’égard de l’avocat commun, que je regrette.

Dans le cadre de l’acte d’avocat, la responsabilité de l’avocat est renforcée car il doit garantir la pleine efficacité de l’acte. Lorsque l’acte d’avocat est établi par un seul avocat, il doit veiller à l’équilibre des intérêts de chaque partie en présence, fût-il l’avocat d’une seule des deux parties (article 7.2 de notre Règlement Intérieur National).

Sur la base de notre déontologie et de notre responsabilité professionnelle, rien ne justifie que l’on supprime l’avocat commun pour les divorces amiables, démarche très appréciée des couples qui souhaitent divorcer sans en découdre.

L’obligation d’avoir un deuxième avocat pour garantir l’équilibre des intérêts en présence, peut à mes yeux s’avérer superficielle. Quid si l’un des époux paye le 2ème avocat ? Si l’on choisit un avocat prête-nom, trouvé en boutique ou sur internet, pour en finir et divorcer vite fait ?

Il faut aujourd’hui promouvoir l’avocat conseil en droit de la famille et ce n’est pas vraiment dans nos mœurs. L’avocat en droit de la famille est plus souvent associé au plaidant. On cherche un « pitbull ».

Le mode d’exercice d’avocat-conseil est plus répandu en droit des affaires où il y a moins d’affects et où les parties ont moins dans leur réflexe l’idée d’en découdre, de voir l’autre puni, d’avoir raison… Ces réflexes sont compréhensibles pour les anciennes générations, mais les plus jeunes sont moins belliqueux.

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Cela implique que les avocats de la famille apprennent vraiment les Modes Alternatifs de Résolution des Différends (MARD).

Droit collaboratif, médiation, procédure participative, négociation raisonnée, accompagnement au changement.

50 % des divorces par consentement mutuel reviennent au contentieux quelques mois après le jugement. Les divorces ont été négociés rapidement, tous les problèmes n’ont pas été résolus, le temps du deuil n’est pas écoulé, l’organisation des enfants est mal ficelée, un beau-père ou une belle-mère apparaît…

Le temps du judiciaire est parfois un temps utile sur ces aspects et peut permettre de trouver des solutions plus pérennes, équilibrées, après quelques batailles.

Donc il faut parier qu’il y aura encore beaucoup de requêtes unilatérales pour voir le juge fixer les bases de la séparation dans un premier jugement, suivies, après  un temps de négociation et/ou d’adaptation à la nouvelle situation, de divorces par consentement mutuel.

Pour faire de cette réforme un succès, il faudra que les avocats prennent bien le temps d’écouter et de bâtir les solutions, de travailler ensemble !

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J’espère aussi que les parties sauront rechercher des avocats férus de notre droit de la famille. Gare aux contentieux post-divorce, aux fraudes fiscales, aux omissions et aux accords trop vagues… Il faut savoir qu’en matière familiale, les règles d’ordre public sont légion, et que le diable se cache parfois dans les détails, particulièrement concernant l’organisation de la vie des enfants et le passage d’un domicile à l’autre.

Les avocats expérimentés dans cette matière connaissent les pièges à éviter, savent liquider les régimes matrimoniaux complexes, ont l’expérience des besoins des enfants.

Pour contrer la concurrence du divorce low-cost et d’internet, nous aurons deux solutions :

* Prôner le conflit pour continuer de faire valoir notre mandat de défenseur ;

* Promouvoir l’accompagnement et la définition sur mesure des séparations et divorces dans tous leurs aspects, en conseillant les personnes dans l’intérêt de chacun, de la famille dans sa globalité, fût-elle séparée, et celui, supérieur, de l’enfant.

Notre expérience, notre expertise, notre humanité sont notre plus-value dans un domaine qui constitue une épreuve massive pour bon nombre d’époux et d’enfants. C’est la richesse de notre métier.

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