Mandat de protection future de Mme BETTENCOURT : son avocat pouvait-il l’accepter ?
Publié le :
18/08/2011
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Dans un article très intéressant publié le 9 juin 2011 sur le site du NouvelObs, l’avocate Herveline Rideau de Longcamp expliquait très clairement en quoi consiste le mandat de protection future.
Ce mandat est un contrat par lequel une personne désigne son futur « protecteur », chargé de le représenter lorsqu’elle ne sera plus capable de gérer ses propres affaires, par exemple en cas d’altération de ses facultés mentales. Une tutelle sans juge en somme.
A la question posée :
Le mandataire d’une personne peut-il également être son avocat ?
– « Oui. Toute personne physique peut l’être. Etant donné que le mandataire doit agir dans l’intérêt de la personne, on estime que si le mandataire est aussi l’avocat il n’y a pas de conflit d’intérêt car les intérêts sont les mêmes. »
J’émets pour ma part des doutes sur la possibilité qu’avait l’avocat de Mme BETTENCOURT d’accepter un tel mandat, compte tenu de ses obligations de rester indépendant vis à vis de ses clients. Cette problématique n’a à ma connaissance pas été soulevée.
L’indépendance de l’avocat est un principe fondamental de notre profession. Il implique notamment que l’avocat ne peut représenter son client sans qu’au préalable, ce dernier ne lui en ait donné l’instruction.
Le règlement intérieur de Barreau de PARIS donne quelques précisions sur les mandats de représentation que peuvent accepter les avocats de la part de leur client.
1. Ils doivent porter sur une opération précisément déterminée. Un avocat ne peut accepter de mandat de représentation général.
2. L’avocat ne peut, sans y avoir été autorisé spécialement et par écrit, engager irrévocablement le mandant par une proposition ou une offre de contracter.
3. L’avocat ne peut disposer de fonds, effets ou valeurs ou aliéner des biens du mandat que si le mandat le stipule expressément, ou, à défaut, après y avoir été autorisé spécialement par le mandant.
Mais si le mandant n’a pas tout ses esprits, comment peut-il donner une autorisation valable ?
La documentation déontologique de l’Ordre des avocats donne des précisions :
L’avocat dans le respect des principes de sa profession consulte, rédige, rectifie des actes et assiste ses clients en Justice.
Indépendamment de ces missions, il peut avoir un mandat écrit spécifique et ponctuel de négocier et de signer, représenter son client en matière fiscale, assister à une assemblée générale.
L’avocat ne peut s’ériger en agent d’affaires.
Si l’avocat n’a pas le droit de s’ériger en agent d’affaires de son client, s’il ne peut le représenter que pour des opérations précisément déterminées en vue desquelles il doit être muni d’une autorisation préalable écrite et précise, et si par ailleurs le mandat de protection future a pour finalité de nommer un représentant pour gérer les affaires d’une personne dont les facultés mentales sont déficientes, comment l’avocat de Liliane BETTENCOURT a-t-il pu se faire désigner comme représentant de Mme BETTENCOURT dans un mandat général de protection future ?
Et comment l’Ordre des avocats du Barreau de PARIS a-t-il donné son blanc-seing à ce mandat, le 15 juillet, en déclarant « Aucun fait contraire à l’honneur, à la probité ou aux principes essentiels régissant la profession d’avocat n’a été relevé à son encontre par le rapport dressé par les enquêteurs désignés par le bâtonnier ».
Pascal WILHELM a, à cet égard, déclaré lors de son audition du 17 juin 2011 devant Mme la Juge : « Ce n’est pas problématique. En tant que mandataire, je rends compte de mon activité à MmeLiliane Bettencourt. En tant qu’avocat, je lui prodigue mes conseils directement. Elle a sa pleine capacité juridique. »
Déclaration qui met en lumière un certain paradoxe puisque l’on ne comprend pas si Me WILHELM conseillait Mme BETTENCOURT avant, ou après les opérations réalisées en son nom.
La Juge Stéphanie Kass-Danno semble avoir partagé ces questionnements et, selon les termes du Monde,« étrille le protecteur » de la milliardaire.
Le NouvelObs précise que « Etant informé des altérations cérébrales dont souffre Liliane Bettencourt, selon le jugement, Me Wilhelm « ne peut nullement favoriser l’accomplissement d’actes juridiques par le mandant (Liliane Bettencourt, ndlr) en soutenant que le régime juridique du mandat de protection future l’y autorise, alors que l’absence de lucidité du mandant est connue de lui« .
L’impossibilité pour un avocat d’accepter un mandat de protection future concernant son client ne peut ainsi qu’être générale puisque ce mandat implique, par définition, que le « protégé » n’ait plus toute sa lucidité et ne puisse valider a priori les actes accomplis en son nom.
A mon sens, au-delà de l’éventuel conflit d’intérêt, qui serait caractérisé si les investissements en cause avaient défavorisé la milliardaire, c’est le respect de l’indépendance, fondamentale, de l’avocat qui pose question.
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