Surveiller les SMS et courriels de son conjoint (France Info)
Publié le :
05/07/2013
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07
2013
Inscription sur des sites de rencontres, tchats sur Internet, surveillance des SMS ou des courriels : l’espionnage de la correspondance privée, autrefois réservé aux seuls services de renseignement et autres barbouzes, est aujourd’hui à la portée de n’importe qui, ou presque…
Mais s’il est possible d’espionner les correspondances électroniques de son conjoint, en a t-on le droit ?
J’ai répondu aux questions de Pascal le Guern sur France Info dans sa chronique « Tout comprendre » : Espionner les SMS et courriels de son conjoint.
(Chronique Tout Comprendre durée 4’46)
La retranscription de l’interview :
Pascal le GUERN : Inscription sur des sites de rencontre, chats sur internet, surveillance des SMS ou des Emails, l’espionnage de la correspondance privée autrefois réservée aux seuls services de renseignement et autres barbouzes est aujourd’hui à la portée de n’importe qui ou presque.
Mais s’il est possible d’espionner les correspondances électroniques de son conjoint, en a-t-on le droit ? C’est la question que nous allons poser à Anne Marion de CAYEUX, bonjour.
Anne Marion de CAYEUX : Bonjour.
PLG : vous êtes avocate au Barreau de PARIS. Alors est-ce qu’on a le droit d’espionner les mails de son conjoint, sa page FACEBOOK, lire ses SMS ?
AMC : espionner les mails de son conjoint en principe non. Il y a un principe fondamental de droit au respect de la vie privée qui fait que l’on a pas le droit de lire les correspondances d’autrui, destinées à autrui, y compris celles de son conjoint.
Maintenant si on a l’occasion de les lire d’une manière non frauduleuse et non déloyale (PLG : donc par hasard), plus ou moins par hasard, par exemple, vous avez un ordinateur commun pour la famille, vous ne vous déconnectez pas de votre serveur de messagerie avant de le quitter, donc quand votre conjoint a le même serveur, il tombe sur votre messagerie, bon qu’est-ce que vous voulez faire ? Bah tant pis pour vous. Si vous ne voulez pas que ce soit lu, il faut prendre un peu plus de précautions.
Donc on ne pourra pas reprocher à votre conjoint d’avoir lu et éventuellement d’avoir imprimé certains courriels dont il aura pris connaissance sans avoir eu recours à la connexion par vos codes individuels ou même d’autres procédés plus déloyaux.
PLG : SMS ?
AMC : Alors les SMS, on a assez peu de jurisprudence pour l’instant, le principe étant donc qu’on n’a pas le droit d’ouvrir la correspondance d’autrui, on pourrait se dire si je saisis le téléphone de mon conjoint ou de mn concubin, je le sors de sa veille, je sollicite le SMS, je regarde le SMS destiné à un tel, je trouve que c’est quand même une démarche qui implique pour moi une violation de la vie privée.
PLG : c’est intrusif quand même
AMC : absolument ! Maintenant la Cour de Cassation a dit : « on ne peut pas se contenter de dire : lire des SMS c’est une violation de la vie privée et c’est interdit ». Il faut regarder dans quelles conditions on a pris connaissance des SMS.
Alors là c’est quand même assez particulier, donc (PLG : donc c’est vraiment assez vague finalement ?) personnellement j’ai envie de dire, si vous laissez traîner votre téléphone avec les SMS (PLG : qui s’affichent), si vous apercevez un SMS qui arrive parce que le téléphone traîne sur la table, y a pas de difficultés, mais encore une fois faire la démarche d’aller chercher, fouiller dans le téléphone pour moi c’est une intrusion.
PLG : autrefois réservés aux seuls services secrets, les outils et technologies de surveillance et logiciels espions se démocratisent aujourd’hui, mais est-ce qu’on peut installer un logiciel espion sur l’ordinateur de son conjoint ou sur son téléphone ?
AMC : c’est strictement interdit, et c’est même interdit par la loi pénale, c’est-à-dire que vous encourrez des peines allant jusqu’à un an d’emprisonnement et 45.000 € d’amende.
PLG : et pourtant c’est autorisé à la vente ces logiciels !
AMC : c’est autorisé à la vente, alors vous avez dû regarder sur les sites de vente de logiciel espion où l’on vous dit c’est très simple, il vous suffit de vous munir du téléphone de votre conjoint d’avoir ses codes, de le connecter à votre ordinateur, d’installer le logiciel, c’est quand même une manipulation compliquée, et y a écrit en tout petit « mais attention, il faut solliciter son accord pour qu’il soit surveillé ».
PLG : oui (rires)
AMC : voilà donc ça prête à sourire, puisque bien entendu aucun conjoint n’acceptera d’être surveillé. Vous n’avez même pas le droit d’installer de logiciel espion sur le téléphone de vos enfants mineurs sans leur consentement.
PLG : et des éléments électroniques, est ce qu’ils peuvent être produits comme preuve dans le cadre d’un divorce par exemple ?
AMC : alors ils le peuvent, à condition encore une fois d’avoir été obtenu sans fraude ni violence, c’est-à-dire de manière loyale.
Donc il y avait une jurisprudence sur les lettres, puisqu’auparavant les amants s’écrivaient des petits mots qui traînaient dans les poches (PLG : bien sûr), donc on avait admis que si l’on trouvait ces lettres dans un bureau, etc… à la maison, il n’y avait pas de difficultés. C’est la même chose pour les mails, si vous avez accès sans fraude aux mails de votre conjoint, vous pouvez les produire dans votre procès de divorce ou autre.
Sinon ça ne pourra pas être examiné par le magistrat.
PLG : est ce qu’il y a des limites aux fouilles et intrusions dont peut faire l’objet l’ordinateur utilisé par un époux ou une épouse pour trouver des preuves finalement ?
AMC : alors il y a plus que des limites, il y a des garanties posées par la loi qui est que si vous voulez aller rechercher des informations contenues (PLG : faut vraiment fouiller quoi) oui ! et faire constater, pouvoir utiliser dans un procès ces moyens de preuves qui impliquent une violation de la vie privée de l’autre, c’est-à-dire une intrusion dans sa messagerie, vous devez aller demander l’autorisation au Président du Tribunal de Grande Instance en indiquant que vous avez un motif légitime d’avoir aller rechercher ces preuves, qui est de demander le divorce etc… .
Et le Président du Tribunal vous donnera une autorisation très circonstanciée d’aller regarder sur cet ordinateur, telle chose en présence d’un huissier de justice, qui sera là pour vérifier que les choses se passent bien et prendre note de ce qu’il y a à constater.
PLG : dernière question : l’inscription d’un époux ou d’une épouse sur un site de rencontre, est ce qu’elle peut constituer une faute ?
AMC : elle constitue a priori une faute puisque le devoir de fidélité est un devoir très important dans le mariage et même pour les partenaires liés par un PACS, donc a priori, si c’est fait à l’insu de son conjoint ou concubin, oui c’est une faute.
PLG : merci pour ces renseignements Anne Marion de CAYEUX, avocate au Barreau de PARIS.
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